Lettre à l'absent...

J'ai failli, Maître... Mon corps a oublié... Tout... Tout ce que Vous m'aviez appris a disparu... Et c'est comme si Vous aviez disparu en même temps... Je le voulais tellement, pourtant. Une manière de prouver que rien n'avait changer... Que j'étais toujours à Vous, d'une certaine manière. Que Vous étiez toujours vivant. Que Vous viviez encore en moi...

Au début, tout allait à peu près bien. Même si la douleur m'a surprise pas sa vivacité, je n'ai pas plié. J'en tirais même du plaisir de tenir. Comme avant. J'ai réussi à ne pas crier. A ne pas exprimer mon plaisir, comme il me l'a été demandé. A me contenir. J'ai même réussi à tenir la position. J'ai failli jouir, mais je me suis retenue. Comme avant. Comme quand j'attendais Votre "Vas-y".

Même quand les dents ont mordu mon téton, je n'ai pas bougé. J'ai un peu crier la première fois, mais ensuite, j'ai tenue.

Quand je me suis allongée sur les genoux, pantalon baissé, j'ai senti que quelque chose n'allait pas en moi. J'avais peur.

Et la première claque est tombée, peut-être trop vite à mon goût. Vive. Mordante. Elle m'a paru tellement plus forte que lorsque Votre main s'est abattue sur mes fesses pour la première fois. Pourtant, j'ai réussi à tenir à peu près la position.

La deuxième me semblait plus vive encore. J'ai bougé, Maître. Je n'ai pas pu m'en empêcher.

A la troisième, j'avais juste mal. Plus rien d'autre en tête. Plus rien de ce que je ressentais sous Vos mains. J'étais redevenue moins que cette jeune fille de 25 ans dans cette chambre d'hôtel qui avait supporté cette première fessée de Vous. Moins que Votre novice qui était si appliquée. Comme si Vous n'aviez jamais existé.

Un vide sidéral s'est ouvert devant moi à cette pensée. Parce que Vous avez existé. Vous avez été mon Maître, mon Mentor, mon Ami, mon Amant. Vous m'avez tout appris de la vie. De la sexualité. De l'opéra. De la noirceur humaine. De la poésie. De la maîtrise de soi.

J'ai plongé dans ce vide. J'ai encore essayé à 2 reprises. Je Vous promet. je ne voulais pas que le mot fatidique passe mes lèvres. Celui qui, en un an de soumission à Vous, ne les avait jamais franchi... J'ai dis quelque chose pour que cela s'arrête, mais je ne sais plus quoi. Tout, mais pas ce mot. Mais la 5ème fessée m'a arraché ce "stop"... Je me suis redressée. Je ne pouvais plus tenir.

Je suis tellement désolée, Maître. En me défaussant ainsi, j'ai l'impression de Vous avoir trahi. De faire honte à tout votre enseignement. Comme je Vous aurais fait honte, Maître. Moi qui Vous ai fait jouir à la seule vu de ma soumission à Vous, sous les mains d'un autre. Vous qui ne me prêtiez qu'aux Maîtres dont vous connaissiez la valeur. Vous qui étiez si fier de m’exhiber en soirée. 

Je pensais pouvoir encore le faire, et il n'en ai rien. Je Vous ai demandé ma liberté pour un amour "vanille", à l'époque. Vous m'avez quittée à Votre tour en ces 5 coups. Echec et mat (encore quelque chose que Vous m'aviez appris).

"Et du temps viendra. Et du temps va venir" comme disait Duras que Vous aimiez tant. Mais je ne pensais pas si vite.

Peut-être qu'après 20 ans, il était temps de laisser partir Votre fantôme. Il faut juste que j'accepte de me dire que Votre souvenir, lui, restera en moi à jamais. Mais mon corps ne portera plus jamais Vos marques. Il ne les portes plus depuis 20 ans. C'est cette absence que je refusais. Et qu'il me faut accepter aujourd'hui.

Je ne veux pas Vous dire au revoir. Je ne veux pas que Vous soyez mort. Je veux continuer de pouvoir Vous appeler. Je veux encore voir votre numéro s'afficher sur mon portable. Même si je ne Vous parle que 3 fois l'an.

Je Vous ai tellement aimé, Maître. Je Vous aime encore tellement, d'une certaine manière.

"Et du temps va venir.
Du temps viendra. Où nous ne saurons plus nommer ce qui nous unira. Le nom ne s´en effacera peu à peu de notre mémoire.
Puis, il disparaîtra tout à fait."

Votre souvenir s'est déjà effacé de mon corps.

Et Vous serez à jamais l'absent, désormais.

Maître...

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