Couvrez ce sein que je ne saurais voir...

©Long Beach Playhouse. "Le Tartuffe"

Je rebondi rarement sur l'actualité, mais quand elle touche un domaine qui m'est proche, et que j'entends beaucoup d'inepties, j'avoue que j'ai envie de dire ce que j'en pense.

Il semblerait donc que le porno devienne de nouveau la sorcière du temps moderne, et que le gouvernement veuille en contrôler l'accès sur le net (allocution du président de la république du 2 décembre 2017 depuis l’Élysée)...

Parce qu'il donnerait une image dégradante de la femme... Banaliserait une façon de les considérer... Pervertirait notre jeunesse qui est induite en erreur sur la réalité des relations sexuelles... Une honte, une horreur, quoi...

Mais est-ce que le porno ne serait pas l'arbre qui cache la forêt ? Et est-ce que ce ne serait pas notre société toute entière qui induirait tout ça ?

Nous sommes tous d'accord pour dire que le cinéma pornographique n'est pas à mettre sous tous les yeux. Parce qu'il ne reflète pas une sexualité classique, mais plutôt une vision baroque de celle-ci. Les enfants n'étant pas capables de faire la part des choses, et étant loin de ces considérations sexuelles, ces images sont choquantes et à proscrire pour les plus jeunes. Et une signalétique claire et sans équivoque doit être apposées sur les images pornographiques

Cependant, est ce que l'état doit pour autant se substituer à l'éducation parentale ? Surtout quand on voit son incapacité totale à déjà faire respecter la loi déjà en vigueur sur la protection de la propriété intellectuelle. Comment réguler l'accès au porno ? Est-ce que c'est vraiment le porno qui est symptomatique de notre société « malade de sexisme », comme l'a dit le président ?

Ma réponse est, et sera toujours « NON ! ».

Parce que déjà, on constate une démission de certains parents, et ce serait les infantiliser encore plus que de les empêcher de jouer leur rôle primordiale. Il vaut mieux sensibiliser les adultes et les responsabiliser, que de légiférer à leur place.

Et que si la femme est si peu considérée de nos jours, c'est à cause d'un ensemble de chose, et pas uniquement du porno.

Nous avons tous, plus ou moins, vu un film porno alors que nous n'en avions pas vraiment l'âge. Nous n'en sommes pas mort pour autant, et même si la sexualité de la majorité de ceux qui lisent ce blog est extrême, nous n'en sommes pas pour autant « traumatisés ». Et même si le rapport D/s est basé sur un transfert de responsabilité de l'un à l'autre des protagonistes, on ne peut y voir de dérive sexiste, car la soumission ou la domination n'a pas de genre. Et on trouve toutes les combinaisons possibles et imaginables dans le couple D/s.

Mais la grande différence actuellement, c'est la banalisation de l'érotisme et de la sexualité, et sa simplicité d'accès, dans tous les aspects de notre vie quotidienne ! Cette imagerie « mainstream » très connoté que l'on retrouve dans tous les média, et qui baigne les enfants dès le plus jeune âge baigné dans une image biaisée de la sexualité et du rapport au corps.

Je pense qu'un ado qui va faire la démarche d'aller voir du porno, est d'une certaine manière « capable » de voir ces images. Je m'explique.

En effet, tous les sites dits « Pour adultes » sérieux ont un filtre pour arrêter les mineurs.

Je ne suis pas dupe, le mineur qui arrive sur mon site ne va jamais cliquer sur « Je suis mineur, je quitte ». Cependant, il sait que ce qu'il va y trouver n'est pas pour lui. La sexualité que j'y décrit ne lui est pas présentée comme « classique pour une personne de son âge ».

De même le jeune qui va contourner le contrôle parental ou celui qui va mettre une fausse date de naissance pour avoir accès aux page facebook et autres sites « - 18 », savent que ce n'est « pas pour eux » au départ.

Ces jeunes sont en recherche sur leur identité. Et la sexualité fait partie de cette identité. Dans les sociétés primales, un rite de passage à l'age adulte permet aux adolescents de passer ce cap difficile, épaulés et encadrés par toute la tribu.

Dans nos sociétés occidentales, nous n'avons plus ces rites. Même le « service militaire », dernier rite moderne vécu comme un véritable rite de passage à l'âge adulte (éloignement du groupe / épreuves physique / retour dans le groupe social de départ) n'existe plus. Les ados les ont donc remplacés par les leurs. Le porno entrant dans ces « rites », au même titre que les sports extrêmes, l'usage de produits stupéfiants, etc... Par sa mise en marge et agrégation avec ses pairs.


Le problème qui en découle tient en deux points :

- Le manque d'encadrement par les adultes dans ces pratiques, qui conduisent à une prise de risque parfois inconsidérées

- La banalisation de beaucoup de pratiques et d'images, qui va pousser l'adolescent à chercher encore plus loin la limite.


La sexualité n'échappant pas à la règle.

En effet, pourquoi sexualiser aussi fort le quotidien ?

Dans la publicité (femmes dénudées pour vendre des yaourts par exemple), dans les films (film clairement érotiques n'étant interdit qu'aux moins de 12 ans, et qui passent en prime-time à la télévision, avec une simple mention « - 16 »), etc.

Même les séries qu'affectionnent particulièrement les ados, ne comportent plus seulement un axe sentimental, qui correspond à la recherche de ces ados à la sortie de la période de latence (période allant environ de 6 à 12 ans), mais vraiment un axe sexuel.

Ce ne sont plus des images érotiques ou porno que l'on regarde en cachette. Ces images deviennent une norme. Et la normalisation de cette sexualité est imposée à tous les enfants et adolescents. Qu'ils soient prêt ou non à la recevoir.

Et ce sexisme commence bien avant, dès la prime enfance.

Comme c'est de saison, je vous invite à regarder les catalogues de jouets...

Si on est enfin sorti des sacro-saintes catégories « filles » et « garçons », pour voir apparaître les catégories « jeux de rôle » ou « jeux d'imitation », l'imagerie est encore loin de la parité !

En effet, sur les pages « poupées », on ne voit toujours que des petites filles berçant, soignant, cajolant, ces poupons. Si les garçons ont investi la « cuisine », ils sont toujours aussi absent des pages de « jouets de ménage ». Par contre, ils sont représentés de façon exclusives dans les pages de jouets technologiques et scientifiques, les pages créatives étant trustées par les filles...

Quand on sait que les filles ont des résultats scolaires en général supérieurs aux garçons mais qu'on ne retrouve qu'une population essentiellement masculine aux postes à responsabilité dans les entreprises, est-ce aussi de la faute du porno ?

Le fait qu'à poste identique, le salaire des femmes est inférieur à celui des hommes, est-ce aussi la faute du porno ?

Que pour un poste clef dans une entreprise, on préférera un homme à une femme, à qualification égale, c'est aussi à cause du porno ?

Parce que la violence faite aux femme, c'est aussi ces inégalités. Et qu'il faudrait peut-être commencer par là !

Parce que si les femmes étaient réellement les égales des hommes dans notre société, les actes de harcèlement seraient bien plus anecdotiques.

Alors avant de vouloir cacher ce sein que vous ne sauriez voir, monsieur le président, ouvrez les yeux sur la réalité de la condition féminine dans notre société !



Quelques articles pour aller plus loin :

Les jeunes et les rites de passages :
http://www.lagouvernance.fr/les-jeunes-et-les-rites-de-passage-dans-les-societe-traditionelles/

http://www.lagouvernance.fr/les-jeunes-et-les-rites-de-passage/


Les filles et les garçons à l'école :
http://www.lemonde.fr/education/article/2015/03/06/a-l-ecole-les-garcons-restent-moins-performants-que-les-filles_4588725_1473685.html


Les femmes et les hommes dans le milieu du travail :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2407748#tableau-Donnes

https://www.lesechos.fr/18/06/2015/lesechos.fr/021146450159_seuls-14---des-postes-de-direction-sont-occupes-par-des-femmes.htm

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