Surprise sur prise ! (Ou « Devine qui se cache sous le lit... »)

L'aspect « Consensuel » des relations est un volet fort de la base du BDSM, le SSC.

Or il faut bien dire que parfois, je vois des choses qui m’effraient... Pour preuve, cette histoire très récente.

​Je vais préciser de suite que je n'ai pas le ressenti de la novice dont parle l'histoire. Mais là n'est pas mon propos. Mon propos parle bien de l'attitude de la personne Dominante, qui est sensé garantir les valeurs du BDSM, et surtout s'assurer à tout moment de l'intégrité morale et physique de la personne soumise qu'il prend en charge. Il est donc logique que cette personne Dominante ait une attitude IRRÉPROCHABLE, en respectant stricto sinsu les limites et interdits qui ont été exprimés par la personne soumise, et acceptés explicitement par la personne Dominante.


Voyons d'abord les faits.

Un couple BDSM recherche une seconde soumise pour vivre en trouple (jusque là, pas de soucis. Chacun vit le BDSM comme il le désire).  Et à cet effet, contact se noue avec une novice. 

L'affaire s'engage de façon à ce qu'il soit convenu d'une première séance.

Sachant qu'ils ne se sont jamais rencontrés avant, pour cette première séance, la soumise novice demande à être seule avec l'homme ayant le rôle de Dominant. En effet, elle n'est pas à l'aise pour le moment de se retrouver avec une 3ème personne dans la pièce.

Accord lui est donné, l'homme stipulant toute fois qu'il désire que sa soumise officielle les rejoigne en toute fin de séance. La novice consent et rendez-vous est pris.

Le jour J, la séance se passe bien, même si la novice montre au début quelques hésitations à se mettre nue devant cet "inconnu". 

Au bout d'une heure de séance, l'homme lui dit que sa soumise officielle va les rejoindre, la novice émettant alors le souhait de se rhabiller avant.

Et à ce moment là, la soumise officielle sort de dessous le lit où elle était depuis le début de la séance, en disant que ce n'est pas la peine vu qu'elle a tout vu...


Il y a deux choses qui me choque dans cette histoire. 

D'une part ce manquement à la parole donnée à cette novice. Même si tout compte fait ça ne la traumatise pas, on sort du BDSM. Car ce n'est pas consensuel.

Plusieurs cas de figure s'offrait à lui :

- Il ne voulait pas que sa soumise soit absente. À charge au Dominant de l'expliquer, de prendre le temps de se rencontrer en dehors de toute pratiques pour qu'une confiance s'installe, au point que la novice accepte la présence de l'autre soumise dès la première séance.

- il voulait jouer sur le fait que la novice ne savait pas si elle est épiée ou non. Dans ce cas, il aurait fallu lui dire AVANT qu'il n'acceptait pas sa demande, et que c'est lui qui déciderait si elle serait là ou non, cachée dans la pièce. Ceci afin que la personne soumise puisse accepter en conscience de ne pas savoir. 


D'autre part, ce qui me choque aussi, c'est le fait qu'ils s'en amusent !

Rire du fait que la personne soit choquée que l'autre soumise soit tout compte fait là, est indigne. Une personne Dominante peut tout à fait travailler sur la notion de pudeur de sa personne soumise. Mais se moquer du trouble d'une novice face à cette « surprise » non consenti, est à mon sens aberrent.

En conclusion, cette novice risque de ressortir de cette expérience avec l'idée que des limites, des requêtes ou des interdit peuvent être dépassés de façon unilatérale. Et que ce n'est pas grave, puisque les deux autres en rient... Avec des circonstances aggravantes, car le couple à l'origine de ce manquement au fondamentaux du BDSM a « pignon sur rue » virtuellement et suivi par un peu plus de 1000 abonnés.


Mais l'histoire ne s’arrête pas là.

En effet, je me suis permise un commentaire sur leur vidéo, posant cette simple question « Bonjour, Par contre je m'interroge sur la notion de respect du consentement en écoutant votre "anecdote" (qui peut ne pas l'être pour certaines personnes) »

Voici une copie de ce qui m'a été répondu de façon assez agressive, aussitôt effacé par son auteur, pour la remplacé par un énigmatique « Je répondrais dans une prochaine vidéo » :

« C’est trahir le moment qui a été vécu que de le questionner ainsi. C’est faire preuve de bétise à Mes yeux que de croire que la personne invitée dans cette chambre d’hotel serait de suite victime ou ignorante ? Bon sang quelle bétise ! Oui cela fait des mois que l’on parle avec cette personne avant cette recontre et si vous ne pouvez pas l’imaginer, c’est que vous devez être bien seule dans votre vie à toujours croire que les gens vous veulent du mal ! Lorsque vous êtes en relation de confiance avec les personnes impliquées chacun apprécie les surprises qui font rire et nous rassemblent. Votre monde doit être bien triste si vous pensez que les relations humaines sont toujours dans le sens de l’abus, vous devez être bien seule… Allez écoutez ce que dis Denis Robert en ce moment sur YouTube au sujet des prédateurs et vous comprendrez peut être (ou non) que N/nous avons à défendre le respect, l’écoute et la communication dans nos relations interpersonnelles. Et que non la sois disant guerre des hommes contre les femmes n’est qu’un avatar de ce que le système impose à tous (allez écouter Denis Robert encore !). A vouloir toujours défendre le consentement tel que vous l’interroger ici c’est nier la possibilité de toute surprise heureuse de chacun envers chacun. Dans ce cas, même le baiser sur la bouche d’une personne amie ou aimée endormie est un viol du consentement ? Un cadeau sans consentement est il encore un cadeau ? Un peu de nuance et de sensibilité que diable ! »

Je passerai sur les arguments ad hominem qui ne grandissent pas cette personne (de même cette histoire de « guerre des hommes contre les femmes », qu'il sort de je ne sais où) pour me concentrer sur les sophismes que sa réponse recèle afin d'en tirer un enseignement positif.


Tout d'abord, la notion de "surprise heureuse" serait acceptable dans deux cas uniquement :

- La novice a eu l'occasion de faire déjà une ou plusieurs séances avec le couple, et celui-ci connaît bien ses réactions EN RÉEL. Parce que l'on ne peut JAMAIS être assuré de la façon de réagir une personne IRL* tant qu'on ne l'a pas constaté de visu. Surtout que cette soumise est novice et que le couple ne l'avait JAMAIS rencontré IRL auparavant. (rien que cela, c'est aberrent que de programmer une séance dès la première rencontre avec une novice.). Dans ce cas, le couple était assuré de ne pas voir sa « surprise » être prise comme un abus.

- La personne n'a pas fait de demande EXPLICITE quand à la présence ou non d'un tiers, et dans ce cas, oui, le fait de cacher l'esclave sous le lit aurait été considéré comme une surprise.

Or, nous ne sommes dans aucun des deux cas, comme vous l'avez vu plus haut.


Passons à l'argument d'embrasser la personne aimée dans son sommeil. Seulement, cet argument démontre justement la différence entre un acte consenti et un abus (aussi minime soit-il) 

Parce que ce baiser est une surprise heureuse si la personne a déjà exprimé par le passé son goût pour cela dans l'absolu, ou ne s'y est pas formellement opposée.

Par contre, si cette personne aimée dit "S'il te plaît, ne m'embrasse pas dans mon sommeil. Ça me gène", et que vous le faite tout de même, on est dans un dépassement unilatérale d'une limite, d'un interdit, posée de façon explicite. Donc un abus. Pas une surprise heureuse.

Vous voyez donc que ses arguments ne font que démontrer que nous ne sommes pas dans l'esprit du BDSM SSC que je défends. 


Le positif de cette histoire est qu'elle démontre encore une fois que ce n'est pas parce qu'une personne est « en vue » sur internet qu'elle est recommandable IRL.

Ensuite, encore et toujours, personnes soumises, prenez le temps de lire, écouter, regarder plusieurs sources avant de vous lancer. Prenez le temps de vous renseigner sur la personne, de la rencontrer dans un lieu neutre et public, plusieurs fois si vous en avez le besoin. Une personne Dominante sérieuse ne vous poussera jamais à ce que vous ne voulez pas. Elle respectera vos limites et interdits. 

Et si malgré toutes ces précautions vous avez l’impression d'avoir été abusée d'une quelconque façon, il faut en parler. Il faut vous tourner vers d'autres personnes de la communauté, des groupes d'échange, etc... Afin de parler de ce que vous avez vécu, de trouver du soutiens et dénoncer afin de prévenir les autres personnes soumises que si le monde du BDSM est fabuleux, ce n'est pas le monde des bisounours.

Enjoy !


*IRL = In Real Life = dans la vie réelle

Pour compléter, voici le lien vers le « Kit de survie » pour toute personne soumise qui arrive dans le BDSM :
https://lafilledemars.weebly.com/oulonparledearticles/toi-qui-entre-ici-nabandonne-pas-tout-espoir

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