« T'es une femme, et t'as jamais été harcelée ? Mais 'allô', quoi ! »

Chaque année, je fais un article à l'occasion de la journée internationale pour le droit des femmes.

Parfois légers, parfois plus lourd, chaque année, j'essaie de donner une piste de réflexion pour faire avancer les choses, à ma toute petite échelle...

L'année dernière, j'avais publié un article sur ce sexisme ordinaire(1) qui nous pointe non pas comme un individu parmi d'autres, mais bien comme une femme dans un monde d'hommes.

Ces petites remarques sexistes, pas forcement dites méchamment, mais qui, mises bout à bout, plombent le quotidien des femmes.

Et puis est arrivé l'affaire Weinstein qui a défrayé la chronique. Des femmes se sont mises à parler. Ça a fait traînée de poudre, et enfin, celles qui se taisaient depuis des années ont osé prendre la parole.

Mais comme bien souvent, l’excès contraire n'est pas loin... A trop de silence répond trop de parole. A tort et à travers. Et les réseaux sociaux n'arrangent rien. La vindicte populaire est toujours la même depuis la nuit des temps. Incontrôlable dans les moments de libération (comme on a pu le voir lors de la période post-révolutionnaire, la libération, etc...).

On assiste donc à un déchaînement de « balance ton porc », « metoo », etc... Une justice populaire sans recul ni réelle possibilité pour l'autre de se défendre. Au risque de jeter l'opprobre sur des innocents, dont le geste a été mal interprété ou que leur drague soit juste un peu lourde. Tous sont mis dans le même panier que le harceleur véritable. (Cf la tribune « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle »(2))

C'est la mésaventure toute récente d'une amie Domina qui m'a poussée à écrire cette chronique.

Dans notre monde, le consentement est PRIMORDIAL. Et le SSC (Sûr, Sain et Consensuel(3)) est la base du BDSM.

Or, cette amie Domina s'est vu accusée de geste et de paroles déplacés. Alors que rien dans ce qu'il s'est passé ne peut y faire penser. En aucun cas. De plus tout dans sa personnalité et dans ses façons de parler et d'agir, prouve au quotidien son écoute et son respect envers les autres.

Pourtant, une femme a très mal pris, un geste et une parole, de la part de cette Domina.

En sommes nous donc là ? Où on ne peut plus être spontané avec l'autre, tout en étant respectueux ? Un geste sage de tendresse dans un cadre qui se veut sensuel, une agression ? Une parole badine entre deux amies se connaissant, une affirmation sexiste ?

J'ai l'impression que le mécanisme est le même que lors de la médiatisation des pervers narcissiques (plus facilement appelé PN).

Quand j'étais avec mon ex, on n'en parlait pas. J'ai subit dans l'ombre, jusqu'à ce qu'il me quitte pour une nouvelle proie, et que je mette des mots sur ce que j'avais vécue avec ma psy.

Quelques années après, la médiatisation a commencé.

J'ai trouvé que c'était bien, qu'on en parle enfin... Tout le monde allait connaître leur façon de faire et pouvoir s'en prémunir.

Et puis, l'excès contraire est arrivé...

Dès qu'une femme était victime d'un connard, elle l’estampillait PN. Je n'ai jamais bien compris pourquoi... Est-ce que ça « fait bien » d'être tombée sur « son » PN ? Ou encore juste pour se rassurer ("Je ne pouvais pas faire autrement que de le subir, puisque c'était un PN"). Parce qu'on peut coller 2 baffes à un connard, réellement ou métaphoriquement. Mais pas échapper aussi facilement au lavage de cerveau du PN.

Oui, mais du coup, ça en devenait classique. Ce qui a eu pour effet de presque banaliser ce que vivait les victimes de vrais pervers narcissiques... Du genre « C'est pas si grave, vu que ça arrive à tout le monde... »

Et ensuite encore le discrédit est venu ("Ah ! Encore une qui couine qu'elle est victime d'un PN !")

Et les vraies victimes se sont tues de nouveau...

Il faut faire attention que cela ne se reproduise pas avec le harcèlement et les agressions sexuelles.
Que tout ne soit pas interprété avec ce filtre du harcèlement et de l'agression. Que l'on ne se sente pas obligée d'avoir « son » agresseur ou « son » harceleur, pour faire partie d'une communauté, ou parce que c'est « mainstream » de « balancer son porc »...

Que ça ne devienne pas « Allô ? T'es une femme et t'as pas été harcelée ? Mais allô, quoi ! »

Bien sûr qu'il y a des remarques sexistes. Bien sûr qu'il y a du harcèlement et des agressions sexuelles. et c'est inadmissible. Mais pour en avoir été moi même victime, comme je le décrivais également dans un précédent article(4), ce que je peux lire parfois, dont la mésaventure de cette amie Domina, est à 1000 lieu de ça !

Oui, la sidération empêche parfois de parler dans l'immédiat. Je l'ai expérimentée. Mais dans ce cas, c'est tout un contexte qui empêche la personne de parler. Pas seulement le geste en lui même.

Alors en ce jour international du droit des femmes, apprenons à raison garder. Et ne pas crier au loup pour tout geste sans réfléchir ou en discuter avec la personne.

Parce que sinon, c'en est fini de la spontanéité entre les personnes. Et de la crédibilité des victimes réelles également.



Liens cités dans l'article :

(1) Article du 8 mars 2017 : https://lafilledemars.weebly.com/oulonparledearticles/-decidement-cest-ma-journee
(2) Manifeste des 100 femmes : https://agensev.de/wp-content/uploads/2018/01/Nous-d%C3%A9fendons-une-libert%C3%A9-d%E2%80%99importuner-indispensable-%C3%A0-la-libert%C3%A9-sexuelle.pdf
(3) "SSC ? Qu'est-ce c'est ? : https://lafilledemars.weebly.com/oulonparledearticles/ssc-quest-ce-cest
(4) Chronique d'une vie de femme ordinaire : https://lafilledemars.weebly.com/oulonparledearticles/chronique-dune-vie-de-femme-ordinaire

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