Le vetting, ou un concept (enfin !) remis au goût du Jour !

Je vais revenir aujourd'hui sur un concept ancien que beaucoup semblent découvrir par le biais d'un terme apparu depuis peu dans le BDSM francophone.​

Un concept dont je vous parle régulièrement ​depuis l’ouverture de ce blog, ou au détours de mes interventions sur les réseaux sociaux, et qui était un préalable incontournable quand j'ai connu le BDSM il y a plus de 25 ans maintenant : le vetting.

​Nous verrons donc dans un premier temps la traduction de ce terme, pour les non anglophones, et ensuite ce qu'il signifie dans les faits.  


J'ai déjà abordé le sujet, sans utiliser le terme en vogue actuellement, dans mon article "Recherche Maître désespérément", mais je pense qu'il est important de revenir plus précisément sur ce volet qu'est l'analyse de la "fiabilité", et la compatibilité, de votre (futur ?) partenaire.

Déjà parce que si vous tapez "Vetting BDSM", vous ne trouverez quasiment que des ressources anglophones.

Et ensuite parce que je répète très souvent "prenez votre temps, ne vous précipitez pas… En BDSM n'est rien plus urgent que d'attendre". Mais quand on dit ça, on a tout dit et rien dit, comme je m'en aperçois chaque jour, vu le nombre de personnes qui se font abuser, ou de couples BDSM qui ne dure pas. 

Et enfin, parce que l'article cité plus haut s'adressait aux personnes soumises. 

Mais dans les faits, tout le monde devrait passer par ce temps de vetting. Dom comme soum. Hommes comme femmes. Déjà parce qu'une personne prédatrice, menteuse ou toxique n'a ni pôle précis, ni genre. Et ensuite parce que ce qui semble parfait sur le papier, peut ne pas supporter la lumière de la réalité.

Donc, il me semble important de rappeler que ce temps de patience avant de se lancer n'est pas un temps d'attente vide. 

Mais donc bien un temps de "vérification".  

Parce que c'est ce que signifie "vetting". "Vérifier". "Faire un examen prudent et critique de quelque chose ou quelqu'un.", pour la définition exacte que l'on trouve sur les sites anglo-saxons parlant de ce concept. 

Quand j'ai connu le BDSM, les réseaux sociaux n'existaient pas. Et on "rencontrait" le BDSM la plupart du temps par le bouche à oreille, par le biais de connaissances, plus ou moins proches (cf "Ah ma brave dame ! Le BDSM c'est plus c'que c'était")

Donc, ce "vetting" se faisait en amont. Une personne qui n'était pas correcte avait beaucoup moins de chance de rentrer dans le milieu. Ce qui n'empêchait pas de prendre le temps de connaître son éventuelle partenaire et de "vérifier" un certain nombre de choses avant de se lancer. Mais au moins, un premier "tri" était fait. La vérification finale étant la compatibilité des visions BDSM, généralement.

Aujourd'hui, internet, qui est désormais le principal point d'entrée dans le milieu, et la vulgarisation du BDSM (via les livres, les films, les blogs) empêchent ce filtrage. Et aujourd'hui, n'importe qui peut se faire un profil BDSM et s'afficher comme personne Dominante ou soumise. 

Si on y ajoute le fleurissement des termes (brat, princess, primal, etc…), il est facile de s'y perdre quand on est novice, et de ne plus savoir qui est qui, et qui peut vous convenir ou pas.

Et au-delà d'appréhender la nature BDSM de chacun, de savoir surtout si cette personne est un prédateur caché derrière un pseudo ou quelqu'un de bien.

Je comprends aussi que lorsqu'on est novice et que l'on découvre le BDSM, après parfois de nombreuses années de refoulement de ses désirs profonds, on a l'impression d'être devant le tas de cadeaux au pied du sapin, un matin de Noël. 

Mais le monde des bisounours n'existe pas. Encore moins sur le net.

Et entrer dans le BDSM, c'est ouvrir la boîte de Pandore. Qui ne libère pas des malédictions en l'occurrence, mais des pratiques extrêmes et potentiellement dangereuses, voire mortelles (oui oui. Cf mon article "Une fausse bonne idée")

Par contre, si je parle des personnes novices depuis le début, l'impasse sur le vetting n'est pas à faire, sous prétexte que l'on est expérimenté.

Je pense que la réussite d'une relation BDSM dépend aussi de ce temps de réflexion. 

Mais comment être sûre de la personne que l'on a en face de soi ? Quelle va nous convenir dans pour le type de relation que l'on cherche ? Ou quelle n'est pas une personne toxique, menteuse, et j'en passe ? 

Et bien, je vais être franche : on ne peut pas l'être à 100%, malheureusement. Mais au moins, on peut mettre toutes les chances de son côté pour réduire au maximum les risques.

Il convient donc à mon sens de respecter un certain nombre d'étapes avant d'envisager quoi que ce soit avec qui que ce soit.

Et pas seulement une rencontre, ou des pratiques. Mais y compris des échanges virtuels où vous pourriez vous mettre en position D/s, envoyer des photos où vous êtes reconnaissable, etc… Et ainsi mettre en danger votre vie vanille. 

Aucun pratiquant sérieux ne s'offusquera si vous lui dites que vous voulez prendre ce temps de "vérification", puisqu'il est censé procéder de même à votre encontre. 



Ceci étant posé, entrons dans le vif du sujet. Quelles sont les étapes du vetting ?

Il va y avoir une partie plus "solitaire" et une partie plus "personnelle" du vetting. La partie "solitaire" étant les vérifications que vous allez faire vous même, seul(e). La partie personnelle, celle que vous allez faire au fur et à mesure de vos échanges.


1/ Vérifier son (ses) profils en ligne.

Pensez à éplucher son profil sur le site/forum/RS où vous l'avez rencontré. Mais aussi, allez voir s'il y a d'autres profils sous le même pseudo sur d'autres RS (facebook, fetlife, BDSM. fr, etc…). Quand vous êtes sûr que c'est la bonne personne, vérifiez la cohérence (vous verrez que ce mot revient beaucoup dans mes écrits) de ces profils. 

• Est-ce qu'il affiche bien les mêmes informations de base ? 
• Est-ce que ses "amis" sont variés, où sont-ils tous du même sexe, et donc autant partenaires potentiels ? 
• Attention au changement de pseudo ! On se refait vite une virginité sur le net. Sur FB, quand vous êtes sur le profil de la personne, regardez dans la barre d'adresse de votre navigateur (où il est écrit HTTPS etc), le nom initial du compte y apparaît s'il n'a pas été aussi modifié)
• Attention aux comptes récents quand on affiche des années et des années d'expérience. Même si sur FB, beaucoup se font désactiver leur compte BDSM, et se retrouve avec un profil neuf, ça peut aussi être un compte pour "effacer une ardoise".
• Attention aux comptes vides (surtout sur fb). Pas d'info, pas d'activité. Même si là encore ce n'est pas forcément une preuve tangible, elle est à noter dans un coin de sa tête quand même.
• Si vous l'avez rencontré sur un groupe facebook, pensez à faire une recherche avec son nom dans ce groupe (voir également dans d'autres groupes où vous êtes). Vous verrez ainsi ses précédentes publications, même les plus anciennes. Vous pourrez encore une fois vérifier la cohérence de son discours.

2/ Parler à ses anciens ou anciennes partenaires 

On peut apprendre beaucoup des ex partenaires d'une personne. 

Non seulement de sa façon de se comporter lors de la relation, mais aussi comment s'est géré la rupture. 

Par contre, attention à bien parler à plusieurs ex. Et de préférence, des personnes qui ne se connaissent pas entre elles. En effet, un ou une ex, voire plusieurs qui se liguent, qui a ou ont mal pris la rupture peuvent "pourrir" une réputation par de fausses accusations, ou une version "arrangée" de l'histoire (un de mes ex Maîtres le fait. Je le sais, car ça me revient régulièrement aux oreilles par des sources différentes… Grand bien lui fasse si c'est la seule façon qu'il a trouvé de se grandir aux yeux de ses nouvelles conquêtes ! Mais voilà un exemple de fausse réputation que l'on peut faire) 

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3/ Se renseigner auprès de la communauté locale

Est-il/elle connu(e) dans le munchs ? Dans les soirées ? Il est rare qu'une personne qui se dise avec de l'ancienneté ne soit pas connue dans le milieu. Surtout qu'il y a encore peu, tout se faisait en réel.

Qu'on ne le connaisse pas n'est pas non plus mauvais signe. (il vaut mieux même parfois pas de réputation qu'une mauvaise réputation…). Tout le monde ne vit pas le BDSM de façon sociale. Mais encore une fois, il s'agit de vérifier la cohérence du propos.  

Si la personne dit être habituée de telle ou telle structure (Donjon, Dojo Shibari, munch, etc), vérifiez auprès des organisateurs si déjà c'est vrai. Et ensuite ce qu'ils pensent de cette personne.


Passons à la partie plus "personnelle" du vetting. Celle que vous allez vérifier au fur et à mesure de vos échanges.


4/ Faire attention à ses actions, ses comportements, aux modèles comportementaux

Est-ce que ce qu'il dit est conforme à ce qu'il fait ? Encore une fois, je parle de cohérence. Par exemple, s' il dit être libre, mais n'est jamais en ligne ni le soir ni le week-end, c'est sûrement faux.

Une personne toxique peut être très futée, mais en règle générale, il va "se prendre les pieds dans le tapis" à un moment ou à un autre. Cela peut être sûr une toute petite chose, le genre de chose qui vous met juste la puce à l'oreille. Creuser quand cela arrive. Cherchez à comprendre pourquoi il a dit ça, à ce moment-là, alors qu'il semblait dire le contraire avant… 

Le beau parleur aussi va vite être confronté à ses incohérences. Il dit être patient, mais s'énerve de votre retard à lui répondre. Il dit vouloir vous respecter, mais il vous presse pour telle ou telle chose (photo, engagement, etc). Etc… 

Il dit bien connaître le BDSM, ses règles et ses codes, mais il vous donne des ordres, vous impose des règles de fonctionnement, alors que vous n'avez pas fait votre demande. 

Pire, il vous demande d'être son/sa soumis(e), non seulement alors que vous en êtes encore dans le temps de vetting, mais au détriment de la tradition qui veut que ce soit la a personne soumise qui fasse sa  demande… 

Comme je le dis toujours "Dire, c'est bien. Faire et être, c'est mieux".


5/ Prenez le temps de vérifier si vos envies correspondent.

Le BDSM est réellement multiple. Déjà dans son expression pour un individu. Mais encore plus dans l'organisation de chaque couple ou binôme BDSM. Et tout en étant d'accord sur le fond, la forme de la relation que vous envisagez tous les deux peut être diamétralement opposée. Veut-il une relation de couple BDSM (aussi appelée 24/7), ou "juste" une relation de play partner ? Ou encore un Lien D/s, mais avec une vie vanille chacun de son côté, etc. 

Je sais que trouver un partenaire "compatible" n'est pas chose aisée. Mais prenez le temps de savoir ce que vous voulez pour vous. Ce que vous voulez pour V/vous. Et ce que lui (ou elle) veut de son côté. Et surtout, actez les choses. Que tout soit clair. 

Idem pour les pratiques. Si tout s'engage bien avec la personne, il est peut-être temps d'évoquer la "check-list", qui va vous permettre d'affiner encore cette compatibilité. En effet, si vous êtes maso, et que votre interlocuteur est versé uniquement dans la Domination sexuelle et psychologique, il vaut mieux le vérifier avant, et voir si vous êtes prêt à envisager un chemin l'un vers l'autre. Ou pas (ce qui est totalement respectable). 

Parce que si on parle de nocivité en général avec le vetting, 
il ne faut pas oublier qu'il contribue aussi à la réussite de votre relation potentielle.


6/ Première rencontre dans un lieu public. 

Cette rencontre est avant tout pour vérifier si IRL, le courant passe toujours aussi bien qu'à l'écrit. Elle est donc censée être exempte de toute pratique.

Déjà par sécurité. On ne pratique pas en privé avec une personne que l'on n'a jamais vu, qui ne vous connaît pas en réel, qui ne sait pas vos réactions, et dont vous ne connaissez pas les siennes. 

Pratiquer en "public" (dans un club, dans un Donjon), pourquoi pas. Vu que vous ne serez pas seuls. Mais je vous le déconseille cependant, sauf si vous connaissez très bien le club et/ou le Donjon, que l'on vous y connaît et que l'on saura rapidement si vous n'allez pas bien, pour les personnes soumises. Ou que vous faites tout de façon sécuritaire, pour les personnes Dominantes (oui, c'est toujours mieux d'avoir des témoins, dans certaines conditions…). 

Le volet sécuritaire semble évident. Mais il faut voir aussi une autre raison de prendre ce temps de première rencontre "neutre".

Même la plus grande des complicité sur les réseaux peut s'avérer un "flop" en réel. Et ça, ça ne se contrôle pas, malheureusement. Ni ne se prévoit. Une rencontre entre deux êtres est aussi affaire de "chimie". Que seul le réel peut confirmer.

De façon pragmatique, ce premier rendez-vous doit avoir lieu de préférence dans un endroit qui vous est familier et/ou vous savez que vous aurez de l'aide si vous vous sentez en danger, ou s'il est juste "lourd".

Ensuite, votre rencontre doit être connue d'au moins une personne, qui vous servira "d'ange gardien". Soit à distance, soit de façon plus proche, pas loin du lieu où vous vous rencontrez (ce que je conseille).

Dans tous les cas, je vous conseille la technique de l'appel initié par votre ange gardien, en cours de rendez-vous. 

Déjà pour être sûr de ne pas oublier si vous êtes sûr un petit nuage (si, si. Ça m'est arrivé…) 

Ensuite, si le rendez-vous se passe mal, vous pouvez prétexter une urgence pour l'écourter. Je sais, ce n'est pas glorieux. Mais si cela peut vous éviter d'être mal à l'aise avec un refus de continuer l'entrevue, et risquer de ne plus savoir refuser ensuite un autre rendez-vous… 

Certains vous diront qu'il faut demander l'identité vanille de la personne, sa pièce d'identité, ses coordonnées postales. Que ça permet d'avoir de quoi porter plainte au cas où. 

Certes.

Mais personnellement, je refuse de donner ce genre de chose à une personne que je rencontre pour la première fois. Parce qu'on ne sait jamais. On n'est jamais à l'abri de quelqu'un qui pourrait essayer de vous nuire dans votre vie vanille. En venant à votre travail, ou encore sonner à votre porte, sans que vous l'en ayez autorisé. Et ce, même si comme on me l'opposé souvent "on n'a rien à cacher". La vie vanille n'a pas à être impactée, si vous ne le souhaitez pas.

Dernièrement, une habituée de mon discord m'a rappelé une astuce intéressante : prendre en photo la plaque d'immatriculation de la personne. Concrètement, vous ne pouvez personnellement rien en faire. Mais elle peut être utile aux forces de l'ordre au cas où. 



J'espère avoir fait le tour de ce que je peux vous conseiller en matière de vetting.

Je pense que vous avez compris que le maître mot sera "cohérence" dans ce que vous apportera le vetting. 

Et que si des petits warnings s'allument dans votre tête, stoppez tout, à tout moment. Ou tout au moins, creusez ces warning.

En conclusion, je dirais que je suis très contente que ce terme soit désormais "à la mode" dans le BDSM, et donc de nouveau le concept qu'il renferme.

Parce que longtemps j'ai été traitée de rabat-joie, justement pour prôner ce temps de prise de connaissance, de recul, de réflexion, primordiale à mon sens pour des expériences le plus réussies possible dans le BDSM. 

Alors le risque zéro n'existe pas. Malheureusement. 

Mais au moins on peut mettre le maximum de chance de son côté. 

Et pour que je puisse toujours vous dire…

… Enjoy !

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